Il peut en rire
Il peut en rire mais la loi c’est la loi
En ce début d’année comme toutes les années il y avait l’assemblée générale du club des ainés. Comme toutes les années l’élu de notre village était présent. Comme toutes les années dans son discours il nous a adressé quelques piques sur nos articles. Comme toutes les années une fois encore il nous a offert le bâton pour se faire battre. Depuis le temps il devrait savoir que l’on ne dit rien que nous ne pouvons prouver.
Bien sur il nous a ressortit sa petite phrase « si on a quelques chose à me dire on vient me voir » logique, dans l’anonymat de son bureau sans témoin afin que personne ne le sache. En tant que maire il devrait savoir qu’il est un homme public. En tant que représentant de l’état il se doit d’être IREPROCHABLE. Mais plutôt que de demander aux autres de faire ce que lui ne fait pas, si il a quelque chose à nous dire nous l’encourageons vivement à prendre contact avec nous.
Deux paquets de papillotes, (valeur négligeable il va de soi) qui l’on bien fait rire, mais qui par le simple geste de les prendre ont fait de lui un « receleur d’abus de bien sociaux » Dans notre article du 8 décembre 2018 (ouverture Aldi) volontairement nous n’avions pas voulu aborder le sujet. Mais devant ses sarcasmes, voulant nous faire passer pour des ignares et faire rire l’assemblée, nous nous devions de lui rappeler la loi, cette loi qui en tant qu’élu de la nation il se doit de connaitre et de respecter à 100%.
Un élu peut-il recevoir un cadeau d’une société commerciale ?
NON MAIS IL EST POSSIBLE DE GÉRER INTELLIGEMMENT LA RÉCEPTION DE CADEAUX POUR QUE L’HONNEUR ET LA SÉCURITÉ JURIDIQUE SOIENT SAUFS SANS NON PLUS SOMBRER DANS LE RIDICULE.
MAIS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE L’IMPORTANCE JURIDIQUE MAIS AUSSI MÉDIATIQUE DE CE SUJET NE DOIT PAS ÊTRE MINIMISÉE, COMME LE DÉMONTRE L’ACTUALITÉ.
Si un élu reçoit un cadeau en échange d’une faveur, naturellement le délit de corruption se profile à l’horizon. Mais de tels agissements sont rarissimes et, plus rares encore sont les cas de condamnations en raison des difficultés, au pénal, pour prouver le lien entre ce cadeau et cette faveur.
Alors c’est par d’autres infractions que se trouvent désormais censurés soit les cadeaux reçus (l’abus de biens sociaux, la prise illégale d’intérêts…) soit les assouplissements des décisions publiques supposées faites de manière intentionnelle et illégale (favoritisme, parfois la concussion « manquements au devoir de probité », etc.).
Le cas des cadeaux est le plus facile à censurer par le juge. Le raisonnement est simple
. Le recel d’abus de biens sociaux (ABS) est le fait de recevoir un cadeau d’une entreprise commerciale en sachant qu’il n’entre pas l’objet social d’une entreprise commerciale de faire des cadeaux gratuits.
Nombre d’entreprises, et autres organismes privés, adressent quelques cadeaux plus ou moins menus, présents aux élus locaux ou aux cadres territoriaux (ainsi que parfois aux agents techniques), notamment en fin d’année. S’y ajoute le cas des entreprises qui persistent à inviter des élus ou des cadres territoriaux au Congrès/ Salon des maires ou à d’autres événements professionnels, à grands frais.
Ce qui relève d’une ignorance juridique abyssale de la part de ces entreprises et de ceux qui bénéficient de ces largesses.
En effet, le problème est que, d’un point de vue juridique, une entreprise « n’a pas à faire de cadeau ». Plus précisément :
- soit le cadeau n’en est pas un, mais il est prouvé qu’il a été donné en tant que contrepartie d’un contrat, et dans ce cas, la (rare) mise en examen pour corruption est à craindre ;
- soit il s’agit vraiment d’un cadeau. Or, faire des cadeaux n’entre pas dans l’objet social d’une société commerciale : l’entrepreneur « donateur » a donc commis un abus de biens sociaux, et l’élu ou le cadre « bénéficiaire » du cadeau se trouve « receleur » de cet abus de biens sociaux… au risque là encore de se trouver mis en examen.
Nombre d’élus, dès lors, donnent ces cadeaux à la caisse des écoles, ou au CCAS. Le problème est que, en droit, l’élu a quand même reçu le cadeau : peu importe alors, ce qu’il en a fait… Deux solutions peuvent être proposées pour résoudre cette difficulté :
- le maire peut quand même donner ces cadeaux à la caisse des écoles, au CCAS ou à une autre « bonne œuvre » communale, à condition de tout de suite écrire au donateur une lettre de remerciements signalant que ce présent « au profit de la commune » a bien été reçu et a été adressé à son destinataire (CCAS, caisse des écoles…). Il importe alors, naturellement, que le bénéficiaire indiqué en soit réellement destinataire. En droit, le recel d’abus de biens sociaux n’en demeure pas moins parfois constitué (du moins si l’entreprise ne travaille pas avec la commune ; sinon d’autres infractions sont à redouter, ce point étant alors à régler au cas par cas), mais il devient particulièrement improbable que des poursuites soient engagées contre les élus ou contre les agents de la collectivité.
- Sinon, la solution radicale, mais sûre (pour les présents de forte valeur notamment), consiste pour le maire à renvoyer le cadeau au donateur avec une lettre aimable, expliquant que pour des raisons juridiques, il ne lui est pas permis de recevoir un présent, même aussi sincère et amical que le sien…
EN PRATIQUE, voici ce que font la plupart des collectivités via une réglementation interne:
- acceptation des cadeaux d’une valeur inférieure à 10 € par an (l’infraction est constituée en fait mais qui ira vous chercher noise pour 10 € ? cela couvre la boîte de chocolats de fin d’année)
- reversement au CCAS entre 10 € et 100 € comme évoqué ci-avant (idem ; infraction constituée mais jamais de poursuites)
- au delà, retour à l’envoyeur (pour de vrai) avec une lettre type selon laquelle le cadeau est appréciable, le donateur est remercié, mais qu’il ne peut être légalement accepté. … avec « de pour de vrai » le renvoi dudit cadeau (non on ne boit pas la caisse de Château Petrus avant de renvoyer les bouteilles vides ; le donateur n’étant pas une consigne).
Est-ce excessif ? Au contraire, au regard des exigences juridiques et de la suspicion de la population désormais, ces règles semblent minimales.
Pour ceux qui trouvent cela excessif, une bien belle circulaire de 2007 exigeait une plus grande rigueur encore que ce que nous écrivons ci-avant pour les ministres en exercice. cir_26330
Rappelons aussi que le recel d’abus de biens sociaux peut être puni au maximum de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende… De plus, la personne condamnée devra, presque systématiquement, rembourser le montant des abus de biens sociaux dont elle aura bénéficié.
Certes, le juge n’applique de telles sanctions qu’avec un certain discernement, mais il n’en demeure pas moins utile de faire montre de prudence.
Sources : Cass. crim., 27 février 1997, Juris-Data n° 001938 ; art. 314-1 et 313-1 du Code pénal ; articles L 241-3, 4° (pour les SARL) et L 242-6, 3° (pour les SA) du code de commerce.
La défiance envers les élus et les institutions a commencé par de tels gestes. Mais que notre élu ne s’y trompe pas, on comprend aujourd’hui pourquoi face à toutes ces situations de privilèges et de passe droit que la colère des citoyens est légitime et inévitable.
Et si les deux paquets de papillotes d’aujourd’hui qui le font rire étaient dans quelques mois des cailloux dans ses chaussures ??
22 janvier 2019